Jean-Marie Salva, Trade & Customs Lawyer aux Barreaux de Bruxelles et Paris du Cabinet DS Avocats nous éclaire sur la situation
Le sujet est sérieux. L’Europe a exporté près de 291.000 tonnes de produits bio vers les USA (2022; en hausse de 69 % *)
Denan & Associés : Quelle est votre analyse aujourd’hui? Au final les tarifs douaniers ne seront-ils pas uniformisés à 10%.
Jean-Marie Salva : D’une part, le président des USA fonde ces taux extravagants sur un calcul erroné qui intègre la TVA et monétise les barrières non tarifaires..
De son coté, l’UE a répliqué en menaçant d’appliquer des Droits Réciproques mis au point sous Trump 1.
Cependant, ces clauses de sauvegarde peuvent s’avérer insuffisantes et seraient alors alourdies de mesures complémentaires.
Mais il faut prendre la menace à sa juste mesure. Certes l’administration US a reculé. Mais en piétinant les principes de l’OMC, un tabou est levé, ces tarifs pourraient être appliqués ; par cette Administration ou une suivante.
D&A : Comment répartir la surtaxe entre l’exportateur, l’importateur US, les revendeurs locaux ?
Jean-Marie Salva : Une fois écoulés les stocks et commandes en cours de livraison qui y échappent, il s’agit pour les exportateurs d’anticiper.
En premier lieu, surveiller ses INCOTERM et dénoncer / renégocier tous ceux (type DDP) laissant à la charge exclusive de l’exportateur les droits d’entrée aux USA.
Ensuite, demander a renégocier ou aménager les clause tarifaires du contrat.
D&A : À quel titre renégocier un contrat? Celui de la Force Majeure? Elle n’est pas explicitement applicable.
Jean-Marie Salva : Cependant la clause d’imprévisibilité dite de « hardship » est invocable du fait de ce déséquilibre contractuel fruit d’un événement extérieur. Elle peut conduire à la renégociation du contrat entre les parties.
Il est possible de restructurer la chaine d’approvisionnement ou de diminuer la base taxable en recourant à la règle américaine dite de la « 1st sale rule ». Elle permet de baser la taxation douanière sur une vente antérieure à celle en vigueur au moment du dédouanement.
D&A : Ces instruments juridiques s’ils sont bien maitrisés par les professionnels restent complexes à mettre en œuvre. Ne sont-ils pas hors de portée d’une PME?
Jean-Marie Salva : Il convient d’étudier leur pertinence et leur applicabilité dans chaque cas d’espèce, mais selon le flux de marchandise concernée, une consultation sera vite amortie.
Outre l’impact négatif à l’export aux USA; des effets indirects, à l’import, perturbent les approvisionnements. Les menaces Trump ont provoqué des achats massifs d’amandes bio en Espagne et Italie faisant exploser leurs cours.
Si ce n’est certainement pas la meilleure période pour attaquer le marché US.
Compte tenu de sa taille et son dynamisme, il vaut l’effort de prendre toutes les mesures pour sa sauvegarde.
(*) Source : Les carnets internationaux de l’Agence BIO Edition 2024